Circoncision : un regard complet sur une pratique millénaire aux enjeux modernes

La circoncision, l’ablation chirurgicale partielle ou totale du prépuce recouvrant le gland du pénis, est l’une des interventions chirurgicales les plus anciennes et les plus répandues au monde. Bien plus qu’un simple acte médical, elle est profondément enracinée dans des traditions religieuses, culturelles et ethniques séculaires. Pourtant, elle reste l’objet de débats intenses concernant ses bénéfices sanitaires, son éthique (notamment concernant le consentement des nourrissons) et sa place dans la société moderne. Cet article se propose d’offrir une vision d’ensemble, équilibrée et documentée, de la circoncision sous tous ses angles.

1. Racines Historiques et Religieuses : Un Héritage Ancestral

  • L’Antiquité : Les premières preuves de circoncision remontent à l’Égypte ancienne (vers 2400 av. J.-C.), où elle revêtait probablement une signification rituelle, sociale ou hygiénique. Des momies et des bas-reliefs en attestent.
  • Le Judaïsme : La Brit Milah (Alliance de la Circoncision) est un commandement central de la foi juive, pratiquée le huitième jour après la naissance d’un garçon. Elle symbolise l’alliance éternelle entre Dieu et Abraham (Genèse 17). C’est un pilier identitaire fondamental.
  • L’Islam : Bien que non explicitement mentionnée dans le Coran, la circoncision (Khitan) est considérée comme une tradition prophétique (Sunnah) fortement recommandée, voire obligatoire selon les écoles de pensée. Elle est généralement pratiquée avant la puberté et revêt une importance culturelle et religieuse majeure dans les communautés musulmanes.
  • Autres Traditions : Certaines tribus africaines, amérindiennes, aborigènes d’Australie et populations d’Océanie pratiquent la circoncision comme rite de passage à l’âge adulte, marquant l’intégration sociale et culturelle.

2. Méthodes et Pratiques Médicales Contemporaines

  • Chez le Nouveau-né :
    • Pince de Gomco : Un dispositif en cloche placé sur le gland, le prépuce est étiré sur la cloche et une pince est serrée pour écraser le prépuce avant son excision. Méthode courante aux États-Unis.
    • Pince de Mogen : Une pince plate est placée sur le prépuce qui est ensuite coupé au-dessus de la pince.
    • Pince de Plastibell : Une cloche en plastique est placée sous le prépuce, une ficelle est nouée autour sillon coronnaire, comprimant le prépuce contre la cloche. L’excès de prépuce est coupé, et la cloche tombe naturellement après quelques jours.
  • Chez l’Enfant plus âgé et l’Adulte : La procédure est plus complexe, souvent sous anesthésie générale ou locorégionale (pénienne). Les méthodes incluent la technique de la manche (sleeve technique) ou la technique de la dilation dorsale (dorsal slit), nécessitant des points de suture.
  • Anesthésie : Cruciale. Chez le nouveau-né, une crème anesthésiante topique (EMLA) est souvent combinée à une anesthésie locale par bloc pénien (injection). L’anesthésie générale est réservée aux enfants plus âgés et aux adultes. Ignorer la douleur est contraire à l’éthique médicale moderne.
  • Contexte : Dans les pays occidentaux, elle est principalement pratiquée en milieu médical (hôpital, clinique) par un médecin (pédiatre, urologue, chirurgien général) ou une infirmière praticienne formée. Dans les contextes traditionnels, elle peut être réalisée par des figures religieuses ou communautaires.

3. Prévalence Mondiale : Un Paysage Diversifié

  • Très Haute Prévalence (>80%) : Très répandue pour des raisons religieuses et culturelles dans de nombreux pays musulmans (Moyen-Orient, Afrique du Nord, Indonésie…), aux États-Unis (bien qu’en baisse), en Israël, et dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne.
  • Prévalence Moyenne (20-80%) : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, certains pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique australe.
  • Prévalence Faible (<20%) : La plupart des pays d’Europe (Royaume-Uni, France, Allemagne, Scandinavie…), Amérique latine, grande partie de l’Asie (Chine, Inde, Japon…). Dans ces régions, elle est principalement pratiquée pour des raisons médicales spécifiques (phimosis, paraphimosis, infections récurrentes) ou par choix personnel/culturel minoritaire.

4. Arguments Médicaux : Bénéfices Potentiels et Risques

  • Bénéfices Documentés (principalement chez l’adulte) :
    • Réduction du Risque d’Infections Sexuellement Transmissibles (IST) : De nombreuses études, notamment en Afrique sub-saharienne, montrent que la circoncision réduit significativement (de 50 à 60%) le risque de transmission hétérosexuelle du VIH de la femme à l’homme. Elle réduit également le risque d’infection par le Virus du Papillome Humain (HPV) (responsable du cancer du col de l’utérus et d’autres cancers) et par le Virus Herpès Simplex de type 2 (HSV-2).
    • Prévention des Infections Urinaires (IU) : Le risque d’IU chez le nourrisson garçon est réduit (environ 10 fois moins fréquent chez les circoncis). Cependant, les IU restent rares et généralement traitables par antibiotiques.
    • Prévention de certaines Affections du Prépuce : Élimine le risque de phimosis (prépuce trop serré ne pouvant être rétracté) et de paraphimosis (prépuce rétracté ne pouvant revenir en position normale, urgence urologique). Réduit le risque de balanite/posthite (inflammation du gland/prépuce).
    • Réduction Potentielle du Risque de Cancer du Pénis : Ce cancer est très rare. La circoncision à la naissance réduit le risque, mais une bonne hygiène suffit généralement à le prévenir chez l’adulte non circoncis. Le lien avec le cancer du col chez la partenaire est lié au HPV.
  • Risques et Complications : Comme toute intervention chirurgicale, la circoncision comporte des risques, généralement faibles lorsqu’elle est pratiquée dans de bonnes conditions médicales :
    • Saignement (le risque le plus courant, généralement mineur).
    • Infection locale (rare avec des soins appropriés).
    • Lésion du gland (très rare avec un praticien expérimenté).
    • Résultat esthétique insatisfaisant (prépuce résiduel trop long ou trop court, asymétrie).
    • Sténose du méat urétral (rétrécissement de l’orifice urinaire, rare).
    • Complications liées à l’anesthésie (risque très faible chez le nouveau-né avec les techniques locales).
    • Douleur (gérée mais non totalement éliminée par l’anesthésie).
  • L’Hygiène : Un Argument Contesté : Un argument fréquent est la « facilité d’hygiène ». Bien qu’un pénis circoncis ne nécessite pas de rétraction du prépuce pour le nettoyage, un pénis non circoncis avec un prépuce rétractable (ce qui est la norme après quelques années) se nettoie facilement avec de l’eau et du savon. L’hygiène n’est pas un argument médical valable pour recommander une intervention chirurgicale.

5. La Controverse Éthique : Le Consentement au Cœur du Débat

C’est le point le plus polémique, surtout concernant la circoncision néonatale non thérapeutique (non motivée par une condition médicale immédiate).

A lire en complément : Les offres de Relaxeo mutuelle pour une protection santé optimale

  • Arguments des Opposants :
    • Violation de l’Intégrité Corporelle et de l’Autonomie : L’enfant subit une modification corporelle permanente et irréversible sans son consentement éclairé, pour des raisons non médicales (religieuses, culturelles, esthétiques parentales). C’est considéré comme une mutilation génitale non nécessaire.
    • Douleur et Traumatisme : Même avec anesthésie, la procédure est douloureuse et potentiellement traumatisante pour le nourrisson.
    • Perte de Fonctions : Le prépuce est un tissu érogène riche en terminaisons nerveuses. Sa suppression pourrait altérer la fonction sexuelle (sensibilité), bien que les études sur ce point soient contradictoires et difficiles à mesurer objectivement.
    • Comparaison avec les MGF : Bien que les contextes et les conséquences soient très différents, certains groupes opposés à la circoncision la comparent aux Mutilations Génitales Féminines (MGF) en arguant que toute intervention non consensuelle et non thérapeutique sur les organes génitaux d’un enfant est inacceptable. Les opposants réclament souvent une égalité de traitement juridique.
  • Arguments des Défenseurs (pour la circoncision non thérapeutique) :
    • Liberté Religieuse et Culturelle : Pour les communautés juives et musulmanes, la circoncision est un acte religieux fondamental et un droit protégé par la liberté de religion. Empêcher cette pratique serait une atteinte à cette liberté.
    • Bénéfices Préventifs à Long Terme : Les bénéfices potentiels en matière de prévention du VIH, HPV et autres infections sont invoqués comme une justification, même si ces risques sont futurs et potentiellement évitables par d’autres moyens (vaccination HPV, préservatifs, hygiène).
    • Conformité Sociale/Paternelle : Dans les milieux où la circoncision est la norme (comme aux USA historiquement), les parents peuvent vouloir que leur fils « ressemble au père » ou évite d’être différent socialement.
    • Décision Parentale : Les parents sont légalement responsables des décisions médicales et de bien-être de leur enfant. Ils estiment avoir le droit de prendre cette décision dans l’intérêt perçu de l’enfant (santé, intégration religieuse/culturelle).

6. Évolution des Pratiques et Positionnements Officiels

  • Tendances : La prévalence de la circoncision néonatale non thérapeutique baisse significativement dans des pays comme les États-Unis et le Canada, reflétant une prise de conscience des controverses éthiques, un accès réduit au remboursement par l’assurance maladie, et une population plus diversifiée. En Europe, elle reste très minoritaire.
  • Position des Organisations Médicales :
    • OMS & ONUSIDA : Recommandent la circoncision masculine adulte comme outil supplémentaire (et non unique) de prévention du VIH dans les régions à haute prévalence du VIH et faible prévalence de circoncision (Afrique sub-saharienne). Elles ne la recommandent pas pour les nouveau-nés dans les pays à faible prévalence de VIH.
    • AAP (Académie Américaine de Pédiatrie) : A assoupli sa position en 2012, reconnaissant des bénéfices sanitaires potentiels qui justifient l’accès à la procédure pour les familles qui la choisissent, mais ne la recommande pas de façon routinière, soulignant que les bénéfices ne sont pas suffisants pour recommander une politique universelle. Elle insiste sur l’analgésie et le consentement parental éclairé.
    • Sociétés Médicales Européennes (CPS au Canada, RCPCH au Royaume-Uni, etc.) : Adoptent généralement une position plus restrictive. Elles soulignent que les bénéfices préventifs sont faibles dans les pays développés à faible prévalence de VIH/IST, et que la procédure n’est pas dénuée de risques. Elles estiment que la circoncision de routine pour des raisons non médicales n’est pas justifiée et devrait être une décision laissée à l’individu lorsqu’il est en âge de consentir, sauf indication médicale claire. Elles mettent l’accent sur le principe de précaution et le droit à l’intégrité corporelle de l’enfant.
  • Cadre Légal : Dans la plupart des pays occidentaux, la circoncision non thérapeutique des mineurs est légale en raison de l’exemption religieuse/culturelle. Cependant, des débats juridiques surgissent régulièrement, certains plaidant pour son interdiction avant un âge de consentement, comme c’est le cas pour d’autres interventions non urgentes.

A voir aussi : Stimulation naturelle du pancréas : méthodes efficaces pour relancer sa fonctionnalité