Quel sont les maladies musculaires ?

Les maladies neuromusculaires sont des maladies rares qui ont été décrites assez récemment car, pour la première d’entre elles, cela fait un peu plus d’un siècle. En fait, les soins aux patients souffrant de maladies neuromusculaires, en termes de soins, ont en réalité une trentaine d’années. Avant cela, on considérait simplement que la maladie était incurable et que les patients étaient perdus. C’est également à partir de cette époque que l’émergence d’associations telles que l’AFM (Association française contre les myopathies), connue aujourd’hui sous le nom de Téléthon AFM.

Pendant très longtemps, on ne savait pas grand-chose sur les mécanismes de ces maladies et sur ce qui pouvait ou ne pouvait pas être offert aux patients. Le fait d’arrêter de les surprotéger par peur d’endommager encore plus les muscles déjà endommagés remonte au début des années 2000. C’est à cette époque, comme l’explique le professeur Féasson dans l’interview qu’il nous a accordée, que l’activité physique est considérée comme bénéfique pour les patients atteints de maladies neuromusculaires.

Nous ferons donc le point avec le professeur Féasson et avec Christian Devaux de l’AFM-Téléthon sur les bénéfices de l’activité physique adaptée (APA) dans le contexte des maladies neuromusculaires et nous verrons si les patients ont facilement accès à cette forme de thérapie non médicamenteuse que le professeur Féasson considère comme un » traitement palliatif » qu’il faut pratiquer tout au long de sa vie.

Cela est également conforme à la loi de 2016 visant à moderniser notre système de santé, qui prévoit que les médecins peuvent désormais prescrire une activité physique adaptée aux patients souffrant d’une maladie de longue durée (ALD).

Nous passerons ensuite à des explications pratiques sur le sujet avec Léa Cuisiner, enseignante à l’APA aux hospices civils de Lyon et qui travaille en binôme avec Marjorie Bernard, kinésithérapeute.

Enfin, Cyrille Bankole, professeur à l’APA, qui vit au Canada depuis 3 ans, nous expliquera comment la pratique de l’activité physique est totalement intégrée dans le le parcours de soins, mais surtout dans la vie quotidienne des malades.

ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN DEVAUX DU DÉPARTEMENT « ACTIONS MÉDICALES » DE L’AFM-TÉLÉTHON

66 millions d’impatients : Les associations de patients ont-elles leur place dans le système d’activité physique adaptée (APA) pour s’assurer notamment que les besoins de tous les patients sont pris en compte : physiques, mentaux, sociaux, etc. ?

Christian Devaux  : Oui, au Téléthon de l’AFM, nous évaluons chaque année à travers nos 18 services la qualité régionale des soins aux patients neuromusculaires en consultation et dans les centres de référence. L’accès à l’activité physique fait partie de cette évaluation. Nous organisons également des formations pour les professionnels et les familles et nous avons édité une revue sur l’importance de l’activité physique dans le contexte des maladies neuromusculaires.

Nous subventionnons ces actions avec de l’argent provenant de la collecte du Téléthon.

Quels sont les éléments physiques les plus pertinents des activités pour les maladies neuromusculaires ? Est-il possible de les étendre encore plus à des activités en dehors du domaine « sportif » comme la sophrologie, les promenades en forêt, etc… ? Nous conseillons, selon les pathologies et en tenant compte de leur physiopathologie et de leur évolution, différents modes de soins. Les pathologies concernées sont essentiellement la myopathie de Duchenne, la dystrophie myotonique de Steinert, la dystrophie fascio-scapulo-humérale (FSHD), l’atrophie musculaire spinale infantile (SMA), les myopathies congénitales, les myopathies métaboliques et la myosite. Nous recommandons des séances de physiothérapie motrice adaptées à la physiopathologie, à la fatigabilité et aux déficiences des patients neuromusculaires et des activités telles que le Tai Chi Chuan, la balnéothérapie, la marche nordique, le yoga, la sophrologie sont particulièrement adaptées à ces patients.

En ce qui concerne les besoins spécifiques des patients atteints de maladies neuromusculaires, quels sont selon vous les meilleurs indicateurs possibles pour évaluer si l’APA répond à ses objectifs (par exemple, indicateurs médicaux, indicateurs de qualité de vie, sentiments à l’égard de la maladie, etc.) ? Idéalement, nous nous attendons à un petit gain fonctionnel possible, à une limitation de l’amyotrophie et au déconditionnement liés à un mode de vie sédentaire, un bien-être psychologique avec une plus grande sociabilité et une meilleure image de soi.

Le territoire est-il suffisamment couvert, l’ABS suffisamment accessible (diversification de l’offre, horaires, coûts, nombre de places, etc.), les acteurs du parcours de santé sont-ils suffisamment formés pour guider et accueillir correctement les patients en demande d’APA ? Non, et les patients manquent d’informations à ce sujet. En outre, pour les maladies neuromusculaires, persiste l’idée chez certains médecins, ambulanciers paramédicaux et familles de patients que leur fragilité et leur fatigabilité musculaires les empêchent d’accéder à des activités physiques. Cette fragilité et cette fatigue sont réelles mais à prendre en compte avec modération.

Est-ce que tu penses y a-t-il des conditions préalables à la mise en œuvre de l’ABS ?

ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR LÉONARD FÉASSON DE L’UNITÉ DE MYOLOGIE DU CENTRE DE RÉFÉRENCE DES MALADIES NEUROMUSCULAIRES DE L’UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNEIl est nécessaire de développer la formation des professionnels sur le sujet, de mieux diffuser les nouvelles recherches sur l’activité physique adaptée et de proposer un meilleur soutien par la solidarité nationale des prescriptions d’ABS. En outre, dans le contexte des maladies neuromusculaires, il est difficile de discuter de la nécessité de valoriser l’APA auprès du conseil de l’ordre des physiothérapeutes, qui le considère comme « un cheval de Troie ».

66 millions d’impatients : Depuis quand avons-nous établi les bienfaits de l’activité physique sur les maladies neuromusculaires ?

Professeur Féasson  : Pendant longtemps, il a été conseillé aux personnes souffrant de maladies neuromusculaires de ne pas faire trop d’efforts physiques de peur d’endommager leurs muscles, mais en 2001 a eu lieu une conférence nationale de consensus de l’ANAES (Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation de la santé, désormais intégrée à la Haute Autorité de la santé) et de l’AFM (Association française contre les myopathies) où les spécialistes réunis pour l’occasion se sont mis d’accord sur le fait que le mode de vie sédentaire était enfin encore plus nocif pour les patients souffrant de maladies neuromusculaires.

Depuis quelque temps, il a été constaté que les patients, qui décidaient de pratiquer eux-mêmes des activités physiques, non seulement le toléraient bien, mais en ressentaient des avantages pour leur état de santé.

Quelques mois plus tard, aux États-Unis, un type de conférence similaire a été organisé et a confirmé cette vision de l’activité physique et des maladies neuromusculaires. Il s’agissait encore d’un inventaire très empirique, mais les conclusions de ces conférences étaient qu’il n’était plus concevable d’interdire l’activité physique dans le contexte des maladies neuromusculaires. Les termes exacts utilisés lors de la conférence de consensus en France étaient : « Proscrire l’activité physique ne semble plus socialement possible et n’est pas scientifiquement justifiable. » Il restait à évaluer, pour chaque pathologie, la valeur de chaque protocole.

Des études ont-elles confirmé les bienfaits de l’activité physique sur les maladies neuromusculaires ?

En fait, dans les années qui ont suivi, les professionnels de la santé ont commencé à mener des études contrôlées et randomisées pour obtenir un niveau correct de pertinence scientifique sur le sujet, bien que dans les études sur l’activité physique, il existe une limite car il est évident que vous ne pouvez pas faire d’études en double aveugle. Les premiers résultats ont été publiés vers 2003 et 2004. Aujourd’hui, nous avons donc de nombreuses études qui arrivent aux mêmes conclusions, que si vous n’utilisez pas votre muscle, il s’atrophie.

Cette observation ne concerne évidemment pas uniquement les maladies neuromusculaires puisque, en général, l’activité physique stimule les voies de synthèse des protéines, tandis que le mode de vie sédentaire stimule les voies de dégradation des protéines.

Revenir aux études qui ont spécifiquement porté sur les maladies neuromusculaires, se sont heurtés à deux problèmes principaux. La première est qu’étant donné qu’il s’agit encore de maladies rares, il est difficile d’organiser des études randomisées à grande échelle car il y a très peu de patients. Le deuxième problème est qu’il existe plus de 500 maladies neuromusculaires dont les mécanismes sont parfois très différents.

Cependant, les chercheurs ont réussi à prouver que, comme une personne non malade, un patient souffrant d’une maladie neuromusculaire peut « remodeler » vos muscles grâce à un entraînement approprié, même dans les cas les plus délicats, tels que les myopathies à processus dystrophique. En effet, les cellules satellites de réparation musculaire restent présentes et peuvent proliférer pour aider le muscle à se reconstruire, ou en tout cas pour se renforcer un peu. On sait également que pour maintenir les muscles, il n’est pas utile de pratiquer une activité très intense. Le simple fait d’activer un peu, chaque jour, suffit à maintenir la synthèse des protéines et à stimuler cellules satellites réparatrices.

Y a-t-il des limites à l’activité physique dans les maladies neuromusculaires ?

Oui, car il faut absolument tenir compte, dans les indications de l’activité physique, du fait que le muscle est plus fragile, et donc plus sensible, aux contraintes mécaniques liées à l’effort. En revanche, il s’agit souvent de maladies affectant plusieurs fonctions et ce ne sont pas seulement les muscles qui sont affaiblis chez ces patients. Le système cardiovasculaire, la respiration et les articulations en particulier sont également souvent concernés.

De plus, il faut préciser que l’exercice physique ne guérit pas la maladie mais qu’il s’agit bien d’un traitement palliatif, qui non seulement ralentira la progression de la maladie et récupérera parfois même une certaine capacité physique, du moins temporairement.

Le grand nombre de maladies neuromusculaires et l’aspect systémique de ces maladies démontrent l’importance du développement pour ces patients. accès à une activité physique « adaptée » ?

La loi de 2016 visant à moderniser notre système de santé, qui a inscrit la prescription d’une activité physique adaptée aux ALD (Long-Term Conditions), qui font évidemment partie des maladies neuromusculaires, est tout à fait pertinente car il est important d’encourager et de superviser la pratique de l’activité physique de ces patients et d’étudier les besoins au cas par cas. Cela dit, si la prescription est utile, elle ne suffit pas. Ces patients ont absolument besoin d’être accompagnés et il est essentiel de mettre en œuvre les moyens de ce soutien, qui reste trop peu organisé pour le moment en France.

Dire à un patient qui se trouve dans un fauteuil roulant électrique qu’il doit faire une activité physique adaptée peut lui sembler tout à fait incongru. Il est essentiel de guider ces patients, d’être une force de proposition, de leur expliquer l’intérêt de l’exercice. Pour les patients souffrant de handicaps graves, ce sera proposé, par exemple, de mettre l’accent sur le maintien des muscles du diaphragme pour faciliter la respiration. En particulier, les enfants atteints de la maladie sont souvent poussés. de Duchenne. C’est à la fois amusant et utile physiquement. Il est également nécessaire de maintenir les fonctions des patients entre les mains pour les aider à utiliser le joystick du fauteuil roulant électrique. Il est également nécessaire de permettre aux patients les plus aptes, capables de marcher ou de faire du vélo à assistance électrique, d’oser pratiquer car souvent ils ont le sentiment que l’activité physique n’est pas pour eux. Il existe des outils que les patients peuvent utiliser pour pratiquer une activité physique adaptée, et les associations de patients sont de plus en plus actives dans ce domaine.

Quel est le principal bénéfice attendu par les patients qui pratiquent une activité physique adaptée ?

L’objectif n’est pas de gagner en force mais de gagner en fonction pour améliorer la vie quotidienne et l’autonomie. Une activité physique adaptée contribuera également à réduire la fatigue et à gagner en force. C’est passe par des exercices d’endurance mais aussi parfois par un rééquilibrage des forces entre différents groupes musculaires.

Les procédures proposées consistent en une augmentation progressive de la durée de l’effort, à partir d’exercices faciles et de faible intensité, afin d’éviter les situations d’échec et de découragement. La régularité est également très importante. Il vaut mieux répartir les efforts tranquillement pendant la semaine entre 2 et 3 séances, que de s’épuiser le week-end en pratiquant une activité trop intense ou trop prolongée.

Nous préférerons donc une progression lente en favorisant l’endurance plutôt que la force impliquée. Pour les vélos d’appartement, par exemple, d’une séance à l’autre, nous proposerons d’abord de pratiquer quelques minutes de plus que la dernière fois, puis lorsque nous atteindrons une durée de session significative (~ 30 min), nous envisagerons d’augmenter la résistance d’un cran.

Dans la mesure du possible, nous devons également donner la priorité au mouvement, c’est-à-dire proposer des mouvements dynamiques mais non traumatisants exercices. Pour donner l’exemple des exercices avec poids, il est préférable de faire un exercice avec une plus grande amplitude de mouvement et un poids inférieur que de porter un poids lourd dans un mouvement restreint. De même, l’exercice avec mouvement sera préféré à l’électrostimulation de surface.

À quel rythme devriez-vous idéalement pratiquer une activité physique et comment choisir l’activité physique la plus appropriée ?

L’idéal est une pratique quotidienne d’intensité modérée, mais si les exercices sont un peu plus toniques, alors 3 séances alternées par semaine de jours de récupération conviendront également. La principale instruction à donner aux patients est de leur apprendre à consacrer du temps à une activité physique adaptée, c’est-à-dire à viser un peu plus d’effort chaque jour en leur demandant ce que vous faites pour vivre au quotidien. Sur cette base, on peut imaginer les conditions d’accès à de nombreuses activités et, en fin de compte, il y a peu d’interdictions. Pour preuve, il y a même des enfants atteints de la maladie de Duchenne qui font de la plongée, un cadre évidemment très supervisé. Il est également très important que ce soit un plaisir car il n’y a rien de pire que la fatigue pour démotiver les patients.

Dans le contexte des maladies neuromusculaires, tous les patients sont-ils conscients de l’activité physique adaptée (APA) et y ont-ils facilement accès ?

En France, nous disposons de « centres de référence et de compétence » pour les maladies rares, ce qui permet un bon réseau territorial dans la prise en charge des maladies neuromusculaires. Ils sont soutenus par des associations de patients telles que l’AFM-Téléthon. Ces soins sont depuis longtemps multidisciplinaires puisqu’il y a des rééducateurs, des neurologues, des biologistes, des physiothérapeutes, des ergothérapeutes, des infirmières, des travailleurs sociaux, des psychologues, etc. En fait, les liens avec la communauté libérale de la ville sont maintenant bien identifiés et nous savons, par exemple, médecins ou physiothérapeutes qui prennent le relais aux côtés des patients tout au long de l’année.

C’est un peu plus délicat sur le sujet de professeurs d’activité physique adaptés, qui sont des professionnels très bien formés, qui connaissent la physiologie de l’exercice et ont des notions sur différentes pathologies. Ils ne font pas de diagnostic ou de soins mais connaissent les contraintes pathologiques et thérapeutiques des patients et savent comment adapter l’activité physique à chacun d’eux. C’est un vrai travail. En tant que tel, je pense qu’il y a des ponts à créer entre les enseignants de l’APA et les physiothérapeutes et qu’ils pourraient pratiquer en association dans les mêmes pratiques. Les physiothérapeutes pourraient alors se concentrer sur les soins individuels tandis que les enseignants de l’APA pourraient offrir des séances d’activité physique adaptées aux

Les séances d’activité physique adaptée (APA) pour les maladies neuromusculaires sont-elles plus intéressantes à offrir collectivement ou individuellement ?

L’aspect collectif des séances d’APA est important pour aider les patients en perte de mobilité et d’autonomie à maintenir leur motivation et leurs activités sociales au-delà des avantages physiques. Des études montrent que le l’aspect collectif des séances d’activité physique adaptées permet d’améliorer les indices de qualité de vie et les indices psychologiques. L’impact moral d’une maladie chronique est souvent exacerbé par le fait que ces patients sont généralement exclus du monde social. Il n’y a pas que les muscles qui sont malades chez un myopathe. Les dimensions sociales et psychologiques des séances d’activité physique adaptées font partie des objectifs du traitement. Nous ne nous contentons pas de traiter les muscles, nous traitons les individus.

Pour les maladies chroniques aussi graves que les maladies neuromusculaires, avez-vous réussi à analyser comment vos patients parviennent à rester motivés à pratiquer une activité physique au fil du temps ?

Pour mieux le comprendre, j’ai mené en 2010 une étude de 6 mois de formation supervisée à domicile, suivis de 24 mois d’auto-formation, pour des patients souffrant d’un certain type de myopathie. Nous leur avions fourni un vélo d’appartement, une méthode d’entraînement et pour la première phase, ils étaient accompagnés chez eux par un moniteur d’activité physique adapté. Après les 6 premiers mois accompagnés par le coach à domicile, l’un des objectifs était de voir comment les patients seraient capables de se donner les moyens de pratiquer cette activité physique, pour les 24 prochains mois. Nous les avons donc réévalués tous les six mois pour faire le point sur ce que tout le monde avait réussi à maintenir en tant que formation et son efficacité. Nous nous sommes rendu compte que cela avait été très difficile pour certains. En fait, amener quelqu’un à bouger est assez simple : il est possible d’acquérir des compétences, de la fonction, de la force et même du volume musculaire, mais maintenir sa motivation est beaucoup plus complexe. Cela est d’autant plus difficile qu’aujourd’hui, il s’agit encore plus souvent de maladies incurables, qui progressent malheureusement inexorablement. Ainsi, le traitement par l’activité physique doit également être envisagé à vie. Nous nous sommes rendu compte que ceux qui étaient les plus fragiles physiquement et qui avaient obtenu les meilleurs avantages au cours des 6 premiers mois de formation dans cette étude étaient également ceux qui étaient les plus réussi à se poursuivre dans le temps. Les patients qui étaient les moins handicapés, et qui avaient finalement fait moins de progrès, avaient plus de difficulté à rester motivés et beaucoup avaient tendance à lâcher prise.

Cependant, il est nécessaire de relativiser les résultats de cette étude en précisant que lorsque l’on est très affaibli par la maladie, notamment lorsque l’on ressent une grande fatigue, le soutien reste essentiel pour maintenir la régularité et la durabilité de l’entretien physique afin de ne pas se décourager.

maladies neuromusculaires touchent de nombreux enfants. Est-il important de leur donner l’habitude de pratiquer une activité physique dès leur plus jeune âge ? Les

En ce qui concerne la motivation des enfants myopathiques, lorsqu’ils sont jeunes et dans la mesure où les activités physiques proposées sont ludiques, ils sont heureux et facilement aptes à le faire. Lorsque vous entrez dans l’adolescence, c’est une période charnière où ils ont tendance à moins suivre les conseils des parents… mais ce n’est pas spécifique aux jeunes myopathes ! Le soutien d’un professionnel peut alors aider à encourager ces jeunes à maintenir une pratique régulière. L’aspect collectif des séances d’activité physique adaptées apportera, là encore, des avantages, pour empêcher les adolescents de se refermer sur eux-mêmes. Dans l’ensemble, plus tôt vous éduquez sur l’activité physique dans votre enfance, plus les bonnes habitudes persistent ou du moins reviennent rapidement après l’adolescence. Quoi qu’il en soit, l’adolescence est un passage qui demande une vigilance redoublée. INTERVIEW CROISÉE AVEC :

  • LÉA CUISINIER , enseignante en activité physique adaptée (APA) et stagiaire en master 2 » Intervention et gestion en activité physique et santé adaptées »
  • MARJORIE BERNARD , kinésithérapeute

Léa Cuisinier et Marjorie Bernard travaillent ensemble en binôme à L’Escale (Service central de médecine physique et de réadaptation pédiatrique) des Hospices Civiaux de Lyon avec des enfants atteints de maladies neuromusculaires.

66 Million Impatients : Votre travail en tant que couple physiothérapie/enseignant-APA est assez innovant. Pensez-vous que ce modèle peut être dupliqué dans de nombreux établissements de santé ?

Léa Cuisinier : En général, depuis la publication de la loi de 2016 visant à moderniser notre système de santé , l’activité physique adaptée se développe de plus en plus et les médecins commencent à l’intégrer dans le parcours de soins.

Cependant, il arrive qu’il y ait des difficultés de positionnement entre le travail des physiothérapeutes et celui des enseignants de l’APA. Avec Marjorie, nous avons choisi de travailler main dans la main et, dès le début, nous avons défini le rôle et le travail de chacun. Nous avons pris le temps de nous expliquer les spécificités de nos tâches. Nos formations ont des valeurs ajoutées différentes et c’est ce qui nous rend complémentaires dans le soutien aux enfants. De plus, nos objectifs professionnels communs, tels que l’amélioration de l’autonomie des enfants, facilitent la collaboration.

Marjorie Bernard : Si pour les patients, il s’agit de pratiquer enfin des exercices physiques autant avec le physiothérapeute qu’avec le professeur d’APA, dans leur esprit, le physiothérapeute peut avoir une mission plus de rééducation et de permettre des progrès en termes de prise de force et de fonctionnalité alors que le L’APA correspond davantage à un moment de plaisir et d’acquisition de compétences. Mon objectif, en tant que physiothérapeute, est de pouvoir améliorer les capacités des patients afin qu’ils puissent réaliser l’activité physique qu’ils souhaitent. Pour sa part, Léa tiendra compte de ce souhait afin d’adapter l’activité physique à chaque patient.

Le modèle que nous avons mis en place à L’Escale est transférable à d’autres établissements sans difficulté. Il suffit que les différentes parties prenantes de chaque département souhaitent que cela fonctionne. Je parle d’un testament collectif, car pour le moment Léa n’est qu’une stagiaire chez nous et il serait intéressant qu’un poste permanent soit créé pour elle. Le plus des exemples réussis de partenariats KINE/enseignant-APA, avec des études visant à prouver les avantages de ce modèle, plus il peut se développer pour le bénéfice des patients.

Comment les séances de physiothérapie et celles en pratique se font-elles pour une activité physique adaptée ?

Marjorie Bernard  : Les séances de physiothérapie sont individuelles et commencent par un bilan de santé. Les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation des patients sont mises en évidence et l’objectif est d’accroître leurs capacités pour leur permettre, s’ils le souhaitent, de pratiquer une activité physique appropriée.

Léa Cuisinier

UN REGARD SUR L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ADAPTÉE AU CANADA : En activité physique adaptée, nous partons également d’une évaluation avec l’enfant et ses parents, souvent appelée « évaluation éducative partagée » au cours de laquelle nous nous assurons que l’enfant exprime ses désirs et ses ressources, puis nous passons à la pratique. L’enfant devient acteur de son projet. Il est contre-productif de forcer un enfant à faire activité physique dénuée de sens car elle ne se poursuivra pas avec le temps. De plus, pour maintenir la motivation, nous intégrons toujours une part de plaisir et un aspect ludique dans ce que nous proposons. L’objectif est que l’enfant continue cette activité en dehors des murs de l’hôpital et n’associe pas l’activité physique au monde médical. Nous prenons également le temps de contacter éventuellement les entraîneurs, les enseignants et les instructeurs de l’enfant à l’extérieur, dans leurs écoles ou clubs sportifs, pour échanger autour de ce que chaque enfant est capable de faire et de ce qu’il veut. Par exemple, lorsqu’un enfant nous explique qu’au collège, son professeur ne l’intègre qu’en tant qu’arbitre lors d’activités sportives et qu’il aimerait également jouer, nous contactons l’enseignant pour lui parler des capacités de l’enfant et voir si l’enseignant pourrait adapter la pratique pour lui proposer de participer en tant que ainsi qu’en tant que joueur. Je précise qu’il n’est pas toujours pertinent de suggérer à un enfant d’intégrer directement un classique de l’activité sportive, car il peut se retrouve dans une situation d’échec et ne veut plus du tout faire de l’activité physique. La co-construction est donc importante. Les choses peuvent être faites par étapes pour donner confiance aux enfants. Une ou deux séances d’activité physique adaptée peuvent suffire à leur enseigner des compétences et à prendre conscience de leurs propres capacités et des opportunités qui s’offrent à eux. Il est également parfois nécessaire de rassurer les parents, mais lorsqu’ils comprennent l’amélioration du bien-être de leur enfant, lorsqu’ils constatent que l’enfant est motivé et souhaite revenir, les craintes des parents s’estompent. Encore une fois, vous devez planifier les étapes. Il n’est pas question de placer un enfant atteint d’une maladie neuromusculaire, sans préparation, au milieu d’un terrain de football.

Cyril Bankole, chercheur et enseignant en activité physique adaptée qui travaille depuis longtemps en France, vit au Canada depuis 3 ans. Il nous dit sur la pratique de l’activité physique adaptée chez les Canadiens qui ont pris une longueur d’avance sur la France…

Cyrille Bankole : Au Canada, la pratique de l’activité physique adaptée a beaucoup devancé la France, bien que le système soit un peu différent entre les deux pays. Au Canada, les équivalents des professeurs français d’activité physique adaptée passent des examens pour faire partie de ce que l’on appelle « l’ordre des physiologistes » et il n’y a pas d’opposition entre leur travail et celui des physiothérapeutes. Tout le monde agit sur le corps de différentes manières.

Au Canada, les professeurs d’activité physique adaptés intègrent fortement les aspects psychologiques et sociaux dans les soins aux personnes malades. Il est proposé un soutien individuel mais aussi des séances de groupe, car ici l’intégration des patients dans la communauté est essentielle.

L’activité physique adaptée fait partie intégrante du parcours de santé au Canada et est valable pour tous les types de pathologies, qu’elles soient diabétiques ou neuromusculaires maladies. Aucun patient canadien n’est surpris qu’on lui propose un programme de réadaptation physique et, de manière générale, il est heureux de suivre ces programmes.

Cette différence dans la pratique de l’activité physique adaptée entre la France et le Canada est certainement due à une nette différence de culture. Cela commence également à l’école avec les enfants, qui se voient déjà proposer de nombreuses activités physiques. Je travaille actuellement en milieu scolaire et presque toutes les deux semaines, des activités physiques sont proposées aux étudiants. De plus, des campagnes de sensibilisation à l’activité physique ont régulièrement lieu directement auprès des élèves. Ils sont donc parfaitement conscients que l’activité physique est une source de bonne santé. Les personnes âgées se retrouvent également souvent dans les espaces publics qui pratiquent une activité physique. Au Canada, l’ensemble de la population a intégré le mouvement dans sa vie quotidienne.

Si l’activité physique est réintroduite dans le domaine médical, elle serait impensable au Canada ne pas proposer aux patients, indépendamment de leur maladie ou de leur handicap, de pratiquer une activité physique. Elle serait considérée comme une forme de discrimination à la socialisation des malades. Ils sont systématiquement proposés pour pouvoir pratiquer une activité physique mais nous ne les forçons pas, bien entendu.

Au Canada, les infrastructures sont donc adaptées à cette généralisation de la pratique de l’activité physique. Dans pratiquement tous les quartiers, il existe des centres sportifs locaux appelés « gymnases ». Dans de nombreux gymnases, il existe des spécialistes de l’activité physique adaptée de l’ordre des physiologistes que j’ai mentionné précédemment. Ils sont évidemment en mesure de procéder à une évaluation diagnostique afin d’établir un programme d’activité physique personnalisé et ont à leur disposition l’équipement nécessaire pour prendre soin des patients, même ceux en situation de handicap. Le gouvernement a également mis en place des mécanismes permettant aux patients d’obtenir de l’aide pour accéder à un gymnase. En particulier, les taxis ou les transports spécialisés prennent en charge les personnes à mobilité et emmenez-les chez eux.

Dans les gymnases de chaque quartier, nous rencontrons indifféremment des athlètes de haut niveau, des malades, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées, etc. En fait, au Canada, la loi interdit de porter un jugement sur l’être physique d’une personne. Je fais moi-même attention aux mots que j’utilise, car le simple fait de dire qu’une personne est « ronde » par exemple, ce qui ne serait pas répréhensible en France, est mal vu au Canada. C’est péjoratif ici et les gens, en effet, ne se jugent pas les uns les autres, au contraire, ils sont bienveillants les uns envers les autres. Ici, chacun a le droit de participer à des activités sociales et en particulier à des activités physiques et tout est organisé efficacement pour le permettre.

Au Canada, les personnes malades font des activités physiques COMME tout le monde et AVEC tout le monde. Les personnes malades ne peuvent faire que 10 fois un exercice qu’une personne en bonne santé à côté d’elles peut effectuer 30 fois, mais tout sera fait pour qu’elles puissent en profiter s’entraîner, s’amuser, s’intégrer sans difficulté. Brochure (très complète) « Connaître et comprendre » du Téléthon de l’AFM sur l’exercice physique et les maladies neuromusculaires

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